Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Rigobert Song Bahannag, du temps de son emblématique carrière, n'avait pas le chaloupé virevoltant et le touché de balle élégant qui firent de Roger Milla le premier footballeur africain à porter une équipe en quarts de finale de la coupe du monde. #RSB n'avait pas le talent truculent qui a fait de Samuel Eto'o le footballeur le plus chèrement acquis au monde, le footballeur africain le plus titré de tous les temps. Mais #RSB n'était pas un piètre joueur pour autant. Dans la catégorie des défenseurs centraux, il n'était pas loin de rivaliser avec les tout meilleurs.

Quelque chose en a, cependant, fait la crème de la crème: son charisme. #RSB en irradiait, il était enveloppé d'une atmosphère immatérielle si palpable qu'elle en a fait un meneur d'hommes, un capitaine de troupes, un chef de bande naturel et incontestable. Il a toujours eu ce côté Bad Boy qui fait chavirer les filles dans les cours de récréation. Il a presque toujours vécu une vie sans discipline, dissolue pour n'avoir peur d'aucun mot, une vie dans laquelle les plaisirs interdits côtoyaient le sens du devoir, à la fois par devoir et par inclination personnelle.

Sur les pelouses, #RSB était un gladiateur, au taquet de la première à la dernière minute. Une présence qui donnait des sueurs froides aux attaquants adverses, un niveau d'engagement qui stimulait ses coéquipiers. #RSB, c'était d'abord la hargne et la détermination d'un soldat condamné à vaincre ou périr sur le champ de bataille. #RSB c'était aussi la fougue et le transport d'un homme fraîchement converti à l'amour d'une femme; et la passion d'une femme ravagée par la jalousie, brûlée par le feu de posséder exclusivement ce qu'il lui appartient. Ses 137 sélections ne sont pas tombées du ciel, il les a méritées les unes après les autres.

Quand on interroge ses camarades de sélection, ils racontent tous l'histoire d'un homme intrépide, conquérant, disponible, une boussole pour les plus jeunes, un fil d'ariane pour les autres, un liant entre les générations, celui qui servait de zone tampon dans les moments de conflit.

Son histoire personnelle explique le capital sympathie dont il jouit. Seule la mort brutale de Marc-Vivien Foé le 26 juin 2003 avait mis les camerounais dans un tel émoi. L'annonce des déboires de santé de RSB a déchaîné des passions qui auraient pu embraser le tissu social camerounais. En remettant sur le billard les faiblesses du système de santé, ses carences en structures de pointes, malgré un personnel souvent compétent et dévoué au-delà de toutes les espérances.

Pour le citoyen ordinaire, il n'importe qu'une chose, que RSB se remette de son accident vasculaire cérébral. Son admission à la Pitié Salpêtrière à Paris a calmé les esprits. Dans l'incertitude générale entretenue par l'omerta sur l'évolution de l'état du malade, l'ancien capitaine des Lions Indomptables croule sous les hommages. L'emballement médiatique et l'émotion sincère de ses compatriotes l'ont hissé au rang de héros et de patriote, une panthéonisation avant l'heure; quoique troublée par le retour du démon latent qui traverse l'histoire récente du Cameroun: le tribalisme.

Il n'empêche, RSB mérite, au-delà de la tragédie  personnelle qui secoue son destin, d'être salué comme un modèle d'engagement, un exemple d'humilité, un repère pour une jeunesse en quête de son identité et pour tous ceux qui sont appelés à défendre les couleurs nationales.

Ce n'est donc pas à un gisant que nous rendons hommage. Nous saluons la mémoire d'un homme, d'une icône que les vivants célèbreront encore longtemps.


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