Après les deux drames de bébés morts dans des conditions terribles à Douala et à Yaoundé, quelques réflexions de fond s’imposent. Sur la capacité de l’hôpital public à remplir ses missions, sur l’accès aux soins de santé élémentaire et sur la politique de natalité du Cameroun. 1) Il y a d’abord ce climat de corruption et d’extorsion qui a gagné les rangs des hôpitaux publics. Une gangrène qui jette le discrédit sur l’ensemble du personnel soignant et qui fait douter de son savoir-faire. Si on note des insuffisances dans la qualité de l’accueil, l’efficacité des soins prodigués, la modernité et la quantité du matériel disponible, le corps médical est plutôt souvent formé à faire son métier et même compétent dans la mesure du possible. Quand elles sont prises en charge à temps, les personnes victimes d’accidents vasculaires par exemple repartent saines et sauves de l’hôpital. Cela relevait de la gageure il y a quelques années encore. Preuve, s’il en est besoin que la médecine et ses métiers connexes évoluent, s’adaptent et se perfectionnent au Cameroun. Mais les rémunérations au lance-pierre et un état de misère quasi généralisée ont transformé l’hôpital public en lieu de racket, d’escroquerie, de marchandage des soins de santé. Le rêve qu’on annonçait accessible à tous à partir de l’an 2000 selon le slogan est devenu un cauchemar qu’il faut arrêter. 2) De nombreuses voix se sont récemment ralliées à l’idée d’instaurer une couverture médicale universelle. Celle-ci consisterait à l’accès pour tous aux soins de première nécessité sans conditions de revenus. C’est une proposition de bon sens. Mais elle se heurte au principe de réalité. Et la réalité veut que l’Etat du Cameroun soit en déficit chronique et donc qu’en principe, il ne dispose pas des moyens de financer une dépense de cette importance. Ce serait grever le budget de la nation de 120 milliards de francs chaque année. La solution de l’augmentation des prélèvements obligatoires comme la TVA ferait peser la charge sur les plus modestes en accentuant leur difficulté d’accès à l’alimentation de première nécessité. Il reste, pour financer un projet de couverture médicale universelle, une optimisation des revenus du pétrole, du bois, de toutes les matières premières, et de certaines agences gouvernementales comme le bureau de gestion du fret terrestre dont les revenus sont importants mais qui sont administrées à la petite semaine, sans contrôle, sur un coin de table. Le chemin sera long du projet jusqu’à sa mise en œuvre. Il faut agir dans l’urgence. 3) L’urgence aujourd’hui, c’est de repenser la politique de natalité du cameroun. D’abord parce qu’un pays qui aspire à l’émergence à besoin de croître en densité, pour se donner une main d’œuvre à la fois disponible et variée. Ensuite parce qu’une population qui croît est le porte-monnaie réservoir qui fait tourner l’économie locale. Dès la fin des années 70, la population du Cameroun a été en constante augmentation. La politique volontariste des pouvoirs publics s’était traduite par la création des centres de Protection Maternelle et infantile (PMI). Ils dispensaient pendant et après la grossesse, visites médicales et vaccination à un coût dérisoire. Résultat, la mortalité infantile avait reculé comme jamais avant. Les politiques de récession des années 90 ont coïncidé avec l’avènement du planning familial, la disparition des PMI et un regain de la mortalité infantile. Sans tomber dans la paranoïa, il n’est pas facile de croire à un hasard des calendriers. Si la population du Cameroun a dépassé les 22 millions, c’est moins par une stimulation voulue que par un effet de mécanique naturelle. Il faut remettre la machine en route. C’est un des grands travaux du chantier national en vue de l’émergence, pour autant qu’on y croit.


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