Les célébrations marquant la fête de l’unité nationale ne sont plus jamais ce qu’elles étaient. L’occasion de réfléchir sur l’état de la nation, de recenser les problèmes qui en entravent l’épanouissement et de poser les jalons de sa consolidation. La fête de l’unité nationale est devenue un souvenir épi-phénoménal, l’occasion de battre des records d’ivresse, de jaser sur la coiffure de la première dame quand elle n’est pas absente, ou sur une panne de voiture quand il n’y a rien de plus trivial à commenter. Dans l’histoire du Cameroun pourtant, le 20 mai est une date charnière. Elle participe à l’accouchement de la République.

C’est le référendum du 20 mai 1972 qui avait consacré l’unification des Cameroun anglophone et francophone. Le même qui avait mis un terme à 11 ans de fédéralisme, de lourdeurs administratives, d’empilement des gouvernements et de difficultés de gestion. Le 2 juin 1972, la constitution avait inscrit dans le marbre la naissance de la République Unie du Cameroun, une et indivisible, intangible à ses frontières, souveraine en son territoire. La barrière linguistique disparaissait, les camerounais n’auraient plus pour signe distinctif que leur appartenance à la Nation. Dans la foulée, dès 1975, une politique de quotas ethniques allait être mise en place. Elle vise alors à permettre à toutes les sensibilités de la république d’accéder à l’ascenseur social et de participer ainsi, ensemble, à un « développement régional équilibré ».

Rendus en 2016, il ne faut pas craindre de dire que l’unité nationale est au moins fissurée.
La politique de l’équilibre régional a fait la preuve de toutes ses limites. Les défenseurs de la méritocratie, tous ceux que la politique de l’équilibre régional a laissé sur le bas côté de l’ascenseur social en sont revenus et ne se revendiquent plus comme des parts entières de cette unité nationale devenue, pour eux, factice. Mais ce n’en est pas la seule raison. Mise en cause par ailleurs, une classe dirigeante encroûtée, croulante, trempée dans un bocal de naphtaline, indécrottable, hostile au renouvellement, soupçonnée d’entretenir la corruption après s’être rendue responsable de la faillite générale, ouverte au népotisme et la gestion clanique. Même si elle n’a pas de visage parce qu’elle recrute aux quatre coins du pays. Mis en cause aussi, une succession de chocs économiques mal amortis qui ont lourdement contribué à l’abaissement du niveau de revenus, confinant une partie de la population à la misère et à la survie en face d’une oligarchie obèse de son opulence, arrogante de son train de vie.

Les camerounais n’hésitent pourtant pas à se retrouver et à faire bloc quand les causes le justifient. Face au péril Boko Haram ou dans l’affaire qui l’a un temps opposé au Nigeria sur la propriété de la presqu’île de Bakassi par exemple. Mais le reste du temps, l’unité nationale est devenue un moyen de coercition morale, une arme politique. On la brandit pour annihiler les désaccords sur les problèmes de fond, pour anesthésier les critiques sur la gestion des affaires publiques, pour invalider la discussion sur l’efficacité des 34 dernières années de magistrature suprême, pour tout. Et l’incertitude de la situation sociale, la difficulté a situer le Cameroun dans les années qui viennent font penser que l’unité nationale au sens où l’espérait ses pères fondateurs est en grand danger.





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